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UTILITÉ DES PARTIES DU CORPS HUMAIN, XVII, i.

rer ces hommes qui, refusant l’art à la nature, louent les statuaires lorsqu’ils font le côté droit exactement semblable au côté gauche, et ne louent pas la nature qui, outre l’égalité, donne encore les fonctions aux parties, et qui de plus apprend à l’animal, dès le principe et aussitôt qu’elles sont formées, l’usage de ces parties. Est-il juste d’admirer Polyclète pour la symétrie des formes dans la statue qu’on appelle canon[1], et, non-seulement de ne pas célébrer la nature, mais de lui refuser même toute espèce d’art ; quand, loin de se contenter de créer les parties proportionnelles à l’extérieur comme le font les statuaires, elle a encore établi la même proportion à l’intérieur ? Ou plutôt Polyclète lui-même n’est-il pas l’imitateur de la nature dans les choses qu’il pouvait imiter ? Il a imité seulement les choses extérieures dont il a pu voir l’artifice, en commençant par celles qui sont le plus à portée. Telle est la main, organe le plus spécial à l’homme, organe muni de cinq doigts qui se terminent par des ongles aplatis et qui ont chacun trois articulations, lesquelles jouissent de mouvements dont j’ai exposé le nombre et la variété dans le premier livre de ce traité (cf. particul. chap. xviii et suiv.). Tout cela est rempli d’artifice.

De plus, et sans considérer ces détails, l’égalité seule est l’indice d’un art admirable : les statuaires, avec leurs nombreux outils, arrivent à grand’peine à réaliser cette égalité dans leurs statues. Je ne parle pas de l’analogie de grandeur entre chaque partie, par exemple, dans le bras lui-même qui, je l’ai montré dans le premier livre, a été fait par la nature un organe de préhension, comme la jambe est un organe pour la marche ; mais il faut voir l’exacte symétrie qui a présidé à la grandeur du bras lui-même : comme ce membre pend de l’omoplate, il serait certainement lourd et ne pourrait pas remplir ses fonctions s’il descendait jusqu’aux pieds. Ces inconvénients seraient encore plus considérables s’il traînait sur la terre, bien qu’il fût alors d’autant plus apte à prendre les objets éloignés qu’il serait plus long. Un bras court serait d’autant plus facile à porter qu’il deviendrait plus impropre à saisir les objets éloignés.

  1. C’est-à-dire le modèle par excellence ; cette statue était le Doryphore, comme Cicéron, Brutus, 6, § 86, et Pline (XXXIV, xix) nous l’apprennent. — Cf. aussi Galien, De temper., I, ix ; De Dogm. Hipp. et Plat., V, iii.