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DES FACULTÉS NATURELLES, II, ix.

car pour eux il y a une distinction entre ce qui est humide en apparence et ce qui est virtuellement humide. Qui ne sait que la saumure et l’eau de mer conservent les viandes et les garantissent de la corruption, tandis que toute eau potable les corrompt et les gâte rapidement ? Qui ne sait que la présence dans l’estomac d’une bile jaune abondante provoque une soif inextinguible, et que cette bile étant vomie la soif disparaît plus vite que si nous avions bu abondamment ? C’est donc avec raison qu’on dit de cette humeur qu’elle est virtuellement chaude et sèche, et du phlegme qu’il est froid et humide. Hippocrate[1] et les autres anciens en ont cité des preuves convaincantes. Prodicus dans son traité Sur la nature de l’homme, appelle phlegme, du verbe πεφλέχθαι, ce qu’il y a dans les humeurs de brûlé et de trop cuit. Il emploie le mot dans un autre sens, mais pour le fond il pense comme les autres. Platon[2] nous entretient en détail de la signification nouvelle que Prodicus attribue aux mots. Ainsi ce que tout le monde appelle phlegme et qui est blanc de couleur, Prodicus le nomme mucus (βλέννα). Cette humeur est froide et humide et s’amasse chez les vieillards et les individus refroidis par une cause quelconque. Personne, pas même un fou, ne la désignerait autrement que comme une humeur froide et humide. Il existerait donc une humeur chaude et humide, une autre chaude et sèche, une autre humide et froide, mais il n’y en aurait pas qui soit virtuellement froide et sèche, et cette quatrième combinaison de tempérament qui se rencontrerait partout ne se trouverait pas dans les humeurs seules ? Cependant la bile noire est une humeur de ce genre ; les médecins et les philosophes éclairés sont d’avis qu’elle affecte particulièrement, pour se montrer, l’automne entre les saisons, et entre les divers âges, celui qui suit l’âge viril. De même ils désignent comme froids et secs certains régimes, pays, températures et maladies. Ils ne pensent pas en effet que la nature soit défectueuse en oubliant cette seule combinaison ; ils croient que celle-ci comme les autres est partout répandue.

Je voudrais pouvoir ici encore demander à Érasistrate si l’in-

  1. Voy. les huit premiers paragraphes du traité De la nature de l’homme. Voy. aussi Des maladies, I, § 24, et Platon, Timée, p. 83 à 86, passim.
  2. Voy. L’Onomasticon platonicum d’Orelli.