Page:Galien-Oeuvres anatomiques physiologiques et médicales-T2-1856.djvu/494

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
482
DES LIEUX AFFECTÉS, I, ii.

La nature de toutes les choses qui se forment n’est pas la même : pour celles qui sont homoïomères (composées de parties similaires) et qui n’ont aucune forme nécessaire, dès le principe l’essence est la même ; pour celles, au contraire, qui ont des formes variées et qui ne sont pas homoïomères, l’essence spéciale peut être postérieure à la formation qui est en train de s’opérer[1]. En effet, dans une maison on ne voit pas se construire simultanément les fondements, les murs, le toit, les tuiles, les portes, les fenêtres, dont la réunion, faite d’une certaine façon, et l’assemblage en une seule figure compose la substance de la maison. Mais une maladie chaude ou froide, humide ou sèche, dès le principe, aussitôt que sont franchies les saines limites du tempérament, prend et conserve toujours dès le principe la même nature ; si, vu son peu d’intensité, elle échappe souvent à notre diagnostic, et si les malades ne s’en aperçoivent pas, elle a néanmoins une espèce particulière. C’est ainsi que l’inflammation, quelle que soit la partie du corps, ou très-grande ou très-petite, dans laquelle elle s’est fixée, est une affection une et identique, variant, non de figure, mais d’étendue. Que certaines affections puissent exister dans le corps sans être encore visibles, à cause de leur peu d’intensité, la preuve en est dans la goutte d’eau qui, avec le temps, creuse le rocher, et qui a donné lieu à ce vers cité à si juste titre :

La goutte d’eau finit, en tombant incessamment, par creuser la pierre[2].

Et cependant il ne suffit pas d’un, de deux, trois, quatre chocs de l’eau tombant sur le rocher, ni même de cent, pour rendre visible la cavité. D’ailleurs, il n’est pas possible que le premier coup n’ayant rien fait, le second fasse quelque chose ; car il aurait, relativement au rocher, le même résultat que le premier. Il faut donc, si la deuxième goutte doit agir sur le rocher, que la première l’ait modifié de manière qu’il ne soit pas reste absolument ce qu’il était dès le principe. En effet, s’il demeure entière-

  1. Ainsi il suffit d’une parcelle d’os (partie homoïomère, selon Galien) pour constituer un os ; mais une parcelle de foie (partie anhomoïomère) ne suffit pas pour qu’on dise d’elle que c’est le foie, puisque cette parcelle ne suffit pas pour remplir les fonctions qui constituent l’essence du foie.
  2. Choerili Fragm., n° 9, ed. Dühner. — Cf. Ovide, Ars amandi, I, 475.