Page:Galien-Oeuvres anatomiques physiologiques et médicales-T2-1856.djvu/528

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
516
DES LIEUX AFFECTÉS, II, vii-viii.

à une affection que nous appelons hæmodie. II est impossible d’en donner une idée par la parole. Cependant quand on mâche des aliments âpres ou aigres, on éprouve aux dents et aux gencives une sensation que nous pensons être la même pour tout le monde, puisque le plus souvent, ainsi que nous le voyons, nous sommes affectés à peu près de la même manière, les mêmes causes produisant sur nous les mêmes effets. Nous savons donc que cette souffrance se fait sentir dans la bouche seulement ; mais il en est d’autres, telles que celles décrites par Archigène, que nous ne pouvons pas connaître, lors même qu’elles existent, et qu’il est impossible de comprendre lorsqu’on les exprime : telles sont les douleurs ductile, âpre, douce, aigrelette, salée, visqueuse, dure, astringente. II a écrit tous ces noms dans son traité Sur les pouls ; mais ces noms ne sauraient rien apprendre aux lecteurs, car tout enseignement scientifique a besoin de la propriété des termes. Si nous discourons sur les saveurs, et en particulier sur les sensations propres à la langue, nous nous servirons des mots âpre (αὐστηρός), acerbe (στρυφνός), astringent (στρύφων), mordicant, salé, doux, amer ; s’il s’agit d’un corps que l’on perçoit par le toucher, nous dirons qu’il est humide, sec, chaud, froid, rude, poli, mou, dur, pointu, obtus. De même, pour les corps que perçoit la vue, nous dirons qu’ils sont rouges, jaunes, noirs, blancs, bruns ou d’une nuance quelconque. Mais si quelqu’un s’avisait de changer ces dénominations, il parlerait sans être compris ; on ne sait ce que veut dire : douleur astringente ou âpre, On ne peut pas même imaginer une douleur douce ; la douleur tourmente sans cesse le malade, tandis que tout ce qui est doux est agréable. Il est incontestable qu’Archigène a déployé beaucoup de zèle pour toutes les parties de l’art ; mais je me suis souvent demandé, sans pouvoir le découvrir, comment il avait donné dans ces abus de nomenclature.


Chapitre vii. — Personne, Archigène pas plus que les autres, n’a jamais ressenti toutes les espèces de douleurs ; par conséquent Archigène, non plus que les autres médecins, n’a pu les enseigner.


Examinons ce que ces douleurs ont de manifeste, comme nous avons fait naguère pour la douleur avec engourdissement. Laissons de côté les noms obscurs, car il est juste de les considérer comme inutiles, comme s’ils n’avaient été jamais écrits, et jugeons