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Page:Galien-Oeuvres anatomiques physiologiques et médicales-T2-1856.djvu/543

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DE LA DOULEUR COMME MOYEN DE DIAGNOSTIC.

C’est maintenant qu’il faut examiner l’opinion énoncée par un des maîtres de l’école d’Archigène. II lui semble que c’est l’envie d’expliquer les caractères particuliers de chaque douleur, caractères, à vrai dire, inexplicables, qui a entraîné Archigène dans cette terminologie absurde ; mais il ne sait pas qu’il n’y a, eu égard au goût et au toucher, qu’une seule de chacune des qualités qui se puisse exprimer [à la fois]. Dès que plusieurs qualités se manifestent dans une seule substance, il en résulte une propriété (ἰδιότης, nature partículière) : cela est vrai surtout pour le goût, lorsque, par exemple, une seule substance se montre amère, douce, âpre et aigre. C’est ainsi que se produit pour le goût une propriété inexprimable, quand on veut se servir d’un seul mot, mais que l’on peut exprimer en prenant les diverses qualités séparément, ajoutant à cela qu’il n’est pas impossible de marquer le plus et le moins. C’est ainsi que beaucoup de médecins ont démontré les propriétés des plantes et de tout le reste de la matière médicale, par l’explication successive de chaque propriété inhérente aux substances décrites. Si donc Archigène avait eu la prétention de renfermer en un seul mot toute une propriété de la substance, il n’eût été qu’un ignorant ; mais c’est ce qu’on ne saurait dire d’Archigène. S’il a voulu exprimer ainsi les propriétés simples, qui se peuvent en effet exprimer, [on peut cependant objecter qu’]il est impossible d’exprimer leur quantité par une mesure exacte, et qu’on le peut seulement dans une certaine latitude.

II est inutile de s’étendre davantage ; car nous avons clairement montré la forme de langage qu’il faut employer lorsqu’on veut expliquer une qualité quelconque des choses sensibles. Nous avons des noms spéciaux pour toutes les qualités du toucher, aussi bien que pour celles du goût ; nous en avons encore pour les phénomènes de la vue et pour ceux de l’ouïe : or, nous devons nous servir de tous ces noms, suivant l’usage des Grecs, et nous garder de dire qu’une douleur est acerbe, astringente ou âpre, car ces qualifications appartiennent aux saveurs. Plusieurs médecins, avant Archigène, ont écrit sur les différentes espèces de douleurs ; mais ils n’ont pas osé aller contre l’usage, et ont employé les mots que l’on peut entendre dire aux malades eux-mêmes. Les malades, pour exprimer leurs souffrances, disent qu’il leur semble