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DE LA DOULEUR COMME MOYEN DE DIAGNOSTIC.

lance, que nous connaissons aussi par expérience. Mais la douleur qu’Archigène appelle acerbe, on ne saurait la comprendre, lors même qu’on l’aurait éprouvée, car on ne sait pas à quoi il applique ce terme. Pour ce qui est des douleurs pongitive, tensive et autres, dont les noms traduisent les espèces, et surtout les douleurs forte, violente, véhémente, continue, etc., nous les comprenons généralement, parce que les mots qui expriment ces douleurs sont d’un usage habituel, et que ces douleurs surviennent tous les jours à une foule de personnes. Mais nul n’a jamais dit qu’une douleur est acerbe, ou astringente, ou inflexible, ou ductile, et celui qui parlerait de la sorte ne serait pas compris. Il faut que l’affection soit commune et que le nom qui sert à la désigner soit familier à ceux qui l’entendent : ainsi l’on dit que l’estomac est serré, et cette manière de parler est ordinaire et fréquente. C’est ainsi que nous éprouvons souvent la sensation de pesanteur que produirait un corps extérieur, par exemple, dans quelques affections de l’orifice de l’estomac, orifice que non-seulement le vulgaire, mais aussi les médecins les plus estimés, appellent στόμαχος (canal), par un commun abus de langage. Dans les fortes inspirations, nous éprouvons parfois vers l’hypochondre droit une sensation de pesanteur : quand ce phénomène se présente sans fièvre, nous en concluons par le raisonnement qu’il y a obstruction ou affection squirrheuse du foie, ou formation d’un abcès ; de même que s’il y a inflammation, il faut nécessairement qu’il y ait aussi fièvre. Or, toutes ces choses se peuvent exprimer ; elles sont claires et connues de tous les médecins qui ont précédé Archigène ; on peut les faire comprendre dans l’enseignement sans le secours de son étrange terminologie ; car ce qu’il y a de particulier et de neuf dans la doctrine d’Archigène, c’est l’introduction, non pas de choses nouvelles, mais de termes qui n’ont point de sens[1]. Il a encore prodigué ces termes dans son traité Du pouls ; et il aurait pu se passer de toutes ces métaphores de termes impropres, comme nous l’avons démontré dans nos ouvrages Sur les pouls.

  1. On pourrait appliquer cette phrase à certains médecins célèbres qui croient avoir transformé la science, parce qu’ils ont imaginé une nomenclature qui rivalise avec celle d’Archigène d’obscurité et d’impropriété de termes.