Page:Galitzin – Luther condamné par Photius, paru dans Le Correspondant, 1855.djvu/3

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russe se bat ou croit se battre pour sa religion. Quelle est donc cette religion qui, dans un siècle qu’on supposait assoupi, opère tout à coup ce phénomène, peut-être funeste, mais réel ? Il devient au moins aussi intéressant de la connaître que la carte de la mer Putride, et s’il est difficile de l’apprécier, parce qu’elle « ne se distingue que par une soumission passive au pouvoir temporel qui la dirige et avec lequel elle est confondue[1], » les rares documents qu’elle vient à nous fournir elle-même me paraissent mériter d’autant plus d’être scrupuleusement étudiés.

Un écrivain russe, mais qui ne trace pas une seule ligne sans la sanction du très-saint Synode, s’est posé depuis quelques années à Saint-Pétersbourg comme le champion de l’Église russe. Aidé par Fleury, par Bingham et leurs successeurs, il croit avoir dit tout ce qu’il y a de plus fort en sa faveur. Ses ouvrages, répandus dans la société russe, m’ont semblé un moyen de connaître son opinion, d’approfondir son égarement. M. André Mourawieff (tel est le nom connu que porte cet écrivain qui, d’ailleurs et bien entendu, ne manque pas de mérite) a publié deux écrits à la genèse de la question d’Orient. L’un, dirigé contre le catholicisme, a été traduit et aussitôt réfuté par une main habile[2]. Celui-ci, lancé contre le protestantisme, renferme des aveux précieux à enregistrer, des contradictions utiles à constater. Il nous révèle que, si malheureusement le Russe a de l’antipathie pour le catholique, heureusement il n’a guère de sympathie pour le protestant, sur lequel, comme l’a observé un écrivain qui a tout dit, il a un immense avantage ; car le « protestant ne saurait presque exercer son culte sans nier implicitement un dogme fondamental du christianisme. Par exemple, lorsqu’il reçoit la communion, il nie la présence réelle ; de manière que s’il avait le bonheur de reconnaître la vérité, sa conscience devrait souffrir excessivement. Le Russe n’est pas dans le cas de se reprocher aucune simulation. Il croit ce que nous croyons ; il reçoit le même pain que nous. C’est un acte qu’il peut régulariser en y ajoutant le vœu sincère de manger ce pain à la table de saint Pierre[3]. »

Saint Augustin s’écrie dans ses merveilleuses Confessions : « Je pleurais Didon, morte pour avoir aimé un Troyen, et je ne pleurais

  1. La Civilisation et la Russie, par le comte Gurowski, Saint-Pétersbourg. 1840.
  2. Voy. : La question religieuse en Orient. Paris, chez Lanier, rue de Bucy, 4.
  3. Lettre du comte de Maistre à une dame russe sur le schisme.