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TATERLEY
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rogation, je proteste de toutes mes forces, car vous me faites grand tort. Je suis incapable de rire de vous. Soupirer pour vous, serait le terme plus juste, Miss Prynne.

Cette dernière rentra de nouveau sa tête entre ses épaules et lui fit un petit geste menaçant du doigt.

— Permettez-moi de faire les honneurs, dit le cousin Hector. Laissez-moi vous présenter Mrs. Donald Brett, la charmante compagne, dans cette vallée de larmes, de notre intéressant et jeune ami Donald. Voici, Mrs. Brett, c’est la toujours adorable Miss Milly Prynne.

Miss Prynne fit un geste d’étonnement.

— Marié ! s’écria-t-elle, vraiment, je ne m’en doutais pas. Oh ! vraiment ! il faut que je vous embrasse. Elle s’élança vers Ella qui se soumit poliment à ses caresses. Et vous vivez ici, dans cet endroit délicieux, d’une façon romantique, d’eau fraîche et… oh ! je n’ose prononcer l’autre mot, dit-elle en regardant de nouveau le cousin Hector. Vous ne vous doutez pas, ma cousine, à quel état de malice vous avez à faire. Jamais je ne suis tranquille près de lui.

Le cousin Hector protestait silencieusement, mais paraissait assez satisfait.

Sur ce, Miss Prynne se mit à faire le tour de la pièce, poussant de temps à autre des cris de joie et dérangeant tout, avec sa turbulence, en jetant des regards vers le cousin Hector, lequel faisait tous ses effort pour produire une impression sur Ella.

Caleb, près de la fenêtre, les regardait d’un air sombre. Ella lui jetait, de temps à autre, des regards désolés.

Miss Prynne poussa un dernier petit cri de désolation en regardant l’horloge.

— Mon Dieu ! je ne pensais pas qu’il fût si tard, je suis restée ici terriblement longtemps, pourquoi ne me l’a-t-on pas rappelé ? Je suis si affreusement oublieuse et étourdie, oui vraiment !

— Pour ma part, je n’aurais pas voulu dire un mot pour vous chasser, murmura le cousin Hector.

Miss Prynne lui adressa un autre petit sourire mutin, tendit la main au cousin Hector, puis revint de nouveau en courant.

— Oh ! vraiment, je ne puis aller si loin toute seule, je sors si rarement seule, ou je me perdrais, ou bien il m’arrivera d’horribles aventures.

Elle frissonna en jetant les yeux vers le cousin Hector. Ce gentleman prit une physionomie désolée.

— Il faut vraiment que je reste pour voir notre cher ami Donald, je l’ai attendu depuis trop longtemps, dit-il avec un profond soupir de regret. C’est vraiment très grossier de ma part, mais… mais je suis sûr que vous vous débrouillerez très bien toute seule, miss Prynne.

Il regarda Ella puis Caleb. Une idée subite lui était venue.

— Ou bien notre ami Taterley sera très heureux de vous accompagner. C’est un garçon très fidèle, Taterley, et très discret, ajouta-t-il plus bas. Alors, je pourrai finir mon intéressante petite causerie avec cette chère Mrs. Brett.

Caleb répondit enfin avec un accent inimitable :

— Je suis au regret, dit-il, mais je dois attendre M. Brett. D’ailleurs, je ne puis jamais sortir à cette heure-ci.

— Oh ! je suis bien certain que M. Brett ne vous en voudra nullement si vous sortez, reprit Hector avec une belle assurance. Vous pouvez laisser Mrs. Brett seule chez elle, voyons !

— Est-ce que vous ne pouvez pas la ramener vous-même ? répliqua Caleb.

Il s’était rapproché de la table et le cousin Hector se tourna vers lui.

— Ramenez cette adorable créature chez elle, Taterley. Faites ce que je vous dis.