Page:Galmot - Quelle étrange histoire, 1918.djvu/148

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Le ciel de France, semé d’étoiles familières et proches, est, ici, rejeté à de prodigieux lointains.

Les pirogues, au clair de lune, ressemblent à des bêtes attachées, accroupies et qui dorment.

La jungle bruit et s’agite… des bêtes en amour et des fauves qui chassent… Des parfums d’orangers en fleurs courent sur le fleuve, dans les soupirs lents et réguliers du vent.

L’air est lourd et chaud.

Soudain, le vent, qui descend la rivière, passe chargé d’une musique lointaine.

C’est un chant de Noël ancien ; on ne distingue que les paroles du refrain repris en chœur.

Les forçats, dans leurs cages au grillage de fer, chantent Noël… Ainsi, autrefois, les colons libres et heureux chantaient par des soirs semblables la Noël torride.

C’est Noël…

La lune descend sur la forêt qui s’assoupit. La lumière livide de cette nuit tropicale s’éteint. Les ombres des lianes s’allongent démesurément sur l’eau chatoyante où la lune trace ses derniers chemins d’argent.

Le vent trouble seul le silence. Il vient à pas lents et larges et onduleux, chassant devant lui les vapeurs du soir.