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LVIII


Sous les palétuviers, les caïmans dorment. Entassés en pyramides, par centaines, ils forment un tas monstrueux dont l’équilibre chancelle.

Voici de nouveau le soir humide.

Des loutres s’ébattent dans la rivière.

Sur la vérandah en pilotis qui domine le camp, nous attendons la nuit.

Le vent mouillé nous apporte les relents du marais.

Pourquoi parlerions-nous ? L’anémie et la fièvre nous accablent. L’ennui, mal suprême, nous torture.

Un vol d’aigrettes empanachées vient se percher sur les bambous.

Le désert empesté du marécage n’a d’autre vie que les reptiles silencieux.

En bas, les cages où dorment les forçats sont perdues dans la brume.

Que faire ? Le silence et la solitude… et la nostalgie, douleur lente, qui nous serre le front.