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XXIV



JE te parlerai, dit Marcellin, cette vie m’étouffe… Viens ce soir sur la crique… il faut que je te parle.

Marcellin, les bras nus, la poitrine noire, ouverte et débraillée, parlait en évitant mon regard. Il se balançait avec gaucherie. Sa poitrine bombée soufflait pesamment.

— Tu prendras ton fusil, dit-il, en dardant sur moi des yeux d’acier.

Les cocotiers, girafes du monde végétal, pleins de grâce, élégants et souples, étaient alignés devant nous au bord du marais.

Derrière, s’étendait la plaine immense sur quoi tombait le jour coutumier du matin, rose, vaporeux.

Sur la solitude éperdue, de la plaine verte, quelques partis d’aigrettes blanches volaient au ras des herbes de Para.

Devant le grand silence, il n’y avait plus que les mâts dressés des cocotiers, debout dans l’éclat radieux du matin.

La vraie vie était là-bas, au delà de la plaine.

Ah ! partir, voir l’autre lumière… aller, l’esprit en joie, l’esprit libre dans une contrée nouvelle… entendre d’autres voix, des chants d’hommes in-