Page:Galmot - Un mort vivait parmi nous, 1922.djvu/17

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Noirs et blancs, métis d’Indiens et mulâtres, tous savaient ce qu’est la vie. Ils avaient eu la même part d’aventures sur cette terre pétrie d’or ; ils avaient le même amour farouche de la liberté, la même passion pour l’or vierge. Prospecteurs et mineurs, nés pour la plupart à la Guyane, ils ne pouvaient concevoir qu’une autre vie pût être vécue.

La lutte en commun, les dangers et le travail partagés chaque jour, dans le même idéal, l’étroitesse même de l’horizon de leurs âmes, leur donnaient cette fraternelle égalité qui supprimait les barrières des races. Seuls, les noirs purs gardaient une orgueilleuse réserve qu’ils s’efforçaient en vain de masquer sous l’affabilité naturelle à la race.

Delorme, l’ingénieur de la drague, avait été nommé directeur par la Compagnie. Il n’utilisait ce titre que pour la signature du courrier aux rares jours où un canot descendait à Mana. Loubet, le chef mécanicien, avait gardé de son long séjour sur les vapeur de la Transat la démarche ivre des matelots. Le magasinier Ganne, long et décharné, chantait. Il n’avait ni âge, ni nationalité, ni race. Il parlait le taki-taki des Saramacas et la langue rauque des Indiens aussi parfaitement que le hollandais, le français et l’anglais. Les maraudeurs venus des colonies voisines de Surinam et de