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en disposant les assiettes en bois, les verres et les préparatifs du repas.

Se tenant à distance respectueuse, par crainte des coups, il dit, les yeux tournés vers l’ingénieur :

— Faut-il mettre un couvert pour la dame ?

Delorme ne répondit pas. Il se dressa pour enlever sa veste de cuir, s’étira longuement et partit en sifflant.

Des lucioles, qui tremblaient dans l’encadrement de la porte, entrèrent soudain d’un trait et disparurent noyées par la lumière des lampes.

Les hommes qui arrivaient étaient tous semblablement vêtus de culottes de toile bleue, retenues par de larges bretelles de cuir sur une chemise de flanelle. Ils portaient tous une barbe grossièrement taillée à la tondeuse et de grands chapeaux américains en feutre épais.

Ils étaient de races différentes, mais la vie qu’ils menaient les avait réduits à peu près à un même type : visages émaciés par la fièvre, durcis par le travail et les privations, muscles de fer, regards aigus comme ceux des bêtes habituées au danger toujours présent.

On distinguait avec peine les mulâtres et les blancs. Les visages, brûlés par le soleil, avaient le même éclat, ardent, patiné, sous la barbe malsaine. L’accent créole, aux r mouillés, distinguait les hommes nés sous les tropiques.