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XLVII



OU étiez-vous allés ? répétait le forçat. J’ai vécu ainsi plusieurs jours, seul, abandonné de tous. Les ouvriers ont quitté les chantiers. Ils se sont dispersés sur les placers voisins. Le marécage est comme une ville en ruines.

La voix d’un esclave pèse moins aux oreilles des hommes que le bourdonnement d’une abeille égarée. Qui songerait à répondre au bagnard ?

Se glissant près de moi, l’homme murmura, comme s’il cherchait à dissimuler aux autres sa pensée :

— Je me livrerai… le bagne est moins dur que cette vie. Donnez-moi une place dans la pirogue… Je peux encore pagayer ; vous me laisserez sur le fleuve ; je descendrai avec les convois qui vont à Saint-Laurent.

Delorme, sur le pas de la porte, prêt à sortir, se retourna :

— Tu ne peux plus vivre dans la forêt, dit-il ; la fièvre te tuera ; tu es pourri de paludisme. Veux-tu devenir fou ? N’as-tu pas compris que tu étais malade et que tu as déliré pendant plus d’une semaine.

L’homme bondit comme un chat sous le fouet.

— Non, cria-t-il, je sais que je n’ai plus long-