Page:Gandhi - La Jeune Inde.djvu/16

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doit tout tenir dans sa main, voir, veiller, commander. Il n’est point question de polir une œuvre littéraire. Certes, Gandhi n’eût jamais songé à faire de ces articles un recueil. Les éditeurs hindous ont publié ce volume pendant son emprisonnement. N’y voyons pas un livre, mais une « geste » héroïque, où passent les éclairs de l’épée du dernier chevalier[1].

Écrire, parler, agir, sans relâche, sans répit. Ceux qui l’ont entendu m’ont conté ceci :

Le Mahatma parle devant des milliers d’hommes. Il n’élève pas la voix. Il ne fait pas un geste. Il n’use d’aucun moyen oratoire. Il ne ménage rien. Il commence sans exorde et finit sans péroraison. Quand il a dit tout ce qu’il avait à dire, — peu ou beaucoup, — il cesse et il s’en va. La foule rugit ses acclamations. Dans le fracas, nul ne pourra plus se faire entendre avant longtemps. — Gandhi, le sourcil froncé, — (il hait les applaudissements et tout ce qui fait du bruit) — s’est assis dans un coin, étranger à ce peuple délirant qui l’acclame ; il n’entend pas ; déjà, il écrit l’article qui paraîtra dans le prochain numéro de son journal : Young India (La Jeune Inde).

Nous qui lisons l’article par delà les océans, tendons l’oreille ! Nous percevrons, au loin, sous les mots refroidis, le peuple indien qui rugit.



La pensée de Gandhi paraît si claire et si explicite,

  1. Je ne m’excuse pas du mot « épée », employé au sujet du Christ indien. On va voir que lui-même l’a revendiqué pour sa croisade d’abnégation.