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(qui était toujours la langue parlée) n’éprouva aucun changement. Les musulmans s’exprimaient en persan, et les Hindous en hindi. Dans le temps des rois Khilji (au XIIIe siècle de l’ère chrétienne), l’émir Khusrau commença à mêler au persan des mots indiens, et écrivit en ce style des pahélis, des mukris et des nisbats[1] avec beaucoup de mots bhakhas ou hindis. Enfin, ce mélange se propagea peu à peu, mais il ne constitua pas encore une langue particulière.

» Lorsque le sultan Schah Jahan fonda, en 1056 (1648), la ville de Schah Jahan (Schah Jahan abad, la nouvelle Delhi), il y eut un grand concours de gens venus de toutes les provinces de l’Inde. Ce fut alors que le hindi et le persan s’amalgamèrent, et qu’à, cause de l’emploi fréquent de quelques mots persans et de beaucoup de mots indiens, il s’y introduisit des changements et des altérations. Le fait est que dans l’armée royale et dans le grand camp de Delhi (nommé urdu mu’alla)[2], il se forma, par l’effet du mélange des idiomes, une nouvelle langue qui, par cette raison, fut nommée zaban-i-urdu (la langue de l’urdu) ; et puis, à cause de l’emploi fréquent de cette expression, le mot de langue (zaban) ayant été retranché, on appela cette langue urdu. Peu à peu, la langue urdue se perfectionna et s’embellit au point que, vers l’an 1100 de l’hégire (1688), c’est-à-dire sous le règne d’Aurangzeb Alamguir, on se mit à écrire de véritables vers urdus.

  1. Ces mots sont expliqués plus loin.
  2. Urdu mu’alla signifie « le grand camp » ; mais dans l’espèce on donne à ces mots le sens de « grand marché ». Les écrivains originaux disent en effet que ce fut dans ce marché que, par suite des rapports des soldats musulmans avec les Indiens, le mélange linguistique dont il s’agit commença surtout d’avoir lieu.