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ment. Ce fut de ce mélange que naquit la langue urdue. »

Il y a plus : avant la fin du XIe siècle, peut-être dès l’an 1080 de Jésus-Christ, Maç’oud ben Selman écrivit un diwan en vers rekhtas, expression par laquelle on entend, comme l’explique Saïyid Ahmad lui-même, le hindi mêlé de mots persans, c’est-à-dire l’urdu. En outre, plusieurs biographes originaux attribuent à Saadi des vers rekhtas qu’il a dû écrire dans le Décan, de 1150 à 1180[1] Kamal appelle même, dans son diwan, Saadi l’inventeur de la langue rekhta, mujid zaban-i rekhta. Mais il faut sous-entendre « dans le Midi ou Décan » pour que la proposition puisse être complètement juste, puisque cent ans auparavant Maç’oud avait écrit en rekhta. Toutefois ce ne fut qu’après lui que Khusrau et Nûrî écrivirent leurs poésies.

Postérieurement, il semble que ce fut encore dans le Midi et, par conséquent, dans le dialecte spécialement appelé dakhni, qu’on écrivit surtout des poésies rekhtas, dont la vogue détermina les poètes du Nord, qui, jusque-là, écrivaient généralement en persan, à adopter pour leurs poésies la langue usuelle. Nous trouvons, en effet, dans le XVIe siècle, plusieurs poètes dakhnis distingués, tels que les rois de Golconde Culi Cutb Schah, Aba ullah Cutb Schah et Abu’lhaçan, surnommé poétiquement Tana, Afzal, Wali, Awari, Gauwaci, Rasmi et plusieurs autres, tandis que ce n’est guère que dans le XVIIIe siècle qu’il y a eu dans le Nord des poètes qui ont acquis de la célébrité. Hâ-

  1. Il est dit dans les biographies originales que Saadi vécut cent trois ans (étant né en 1193 et mort en 1296, et qu’il passa trente ans à étudier, trente ans à voyager et trente ans dans la retraite. Or, en ajoutant les treize années de son enface au trente années d’études, nous avons quarante-trois ans. C’est donc de 1150 à 1180 qu’il a voyagé et qu’il a dû écrire les vers rekhtas qu’on lui attribue.