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Les courts poèmes, ai-je dit, dont se composent ces recueils sont presque toujours mystico-érotiques, parce que les musulmans, qui en sont en majorité les auteurs, font une confusion qui nous paraît avec raison impie entre la beauté immortelle et la beauté créée. Ils voient Dieu dans la femme ou sous les traits d’un jeune adolescent, et on a ainsi quelquefois, à côté d’une tirade du plus pur spiritualisme, des vers voluptueux et même obscènes[1]. On a pu juger de ce genre particulier de poésie dans les limites des convenances européennes et chrétiennes, par la traduction que j’ai donnée d’une partie du diwan de Wali et de beaucoup d’autres gazals dans mon « Histoire de la littérature hindoustani » et dans mes Chants populaires de l’Inde[2] ». Quelques-uns de ces gazals sont fort beaux et égalent, il me semble, tantôt les odes de Pindare, tantôt celles d’Anacréon ou plutôt les gazals persans de Hafiz, qui ont tant de réputation, et ils surpassent certainement les gazals turcs de Baqui.

Le plus grand défaut de ces recueils, c’est la monotonie. Les mêmes idées y sont répétées à satiété sous toutes les formes et souvent avec des expressions identiques ou analogues.

Les vers de remplissage y sont nombreux ; car c’est surtout aux poètes orientaux qu’on peut appliquer ces vers de Butler[3] :

…Those that write in rhime, still make
The one verse for the other’s sake.

  1. Je ne parle pas ici des poésies ordurières et reconnues comme telles : celles par exemple de Chirkin, dont le nom même, qui signifie ordurier, indique assez ce qu’on doit y trouver.
  2. Revue contemporaine, t. XV, p. 562.
  3. Hudibras, chant iv.