Page:Garin Le Loherain.djvu/21

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la tête de Fouchier de Nantes, le cousin d’Hervis. « Ah ! sainte Marie, » s’écrie le Duc, « reine et mère de Jésus, demandez à votre fils qu’il me laisse tuer ce païen, cet ennemi de notre loi, qui ne donnerait pas un angevin de Dieu ni de son Église. Il a tant tué de mes chevaliers que personne ne l’ose plus attendre ; c’est à moi d’aller à sa rencontre. Dieu du paradis, à vous je me recommande ! Vous naquîtes en Bethléem ; aussi vrai que vous eûtes une Vierge pour mère, défendez-moi du péril de mort ! »

Cela dit, il broche le destrier, le fait sortir des rangs, et, brandissant la hante de l’acier poitevin, il va çà et là cherchant l’odieux glouton. « Où es-tu, » crie-t-il, « toi qui jettes l’effroi sur ton passage, et qui portes une tête de mâtin ? Apprends que Dieu vaut cent fois ton Apolin ! » Le mécréant entend ces mots, et tient pour hardi celui qui les prononce. Ils s’élancent l’un contre l’autre : le coup de Godin porte à faux ; le Duc, protégé de Dieu et du Saint-Esprit, l’atteint de plein épieu, perce l’écu, le haubert et la poitrine. L’acier traverse l’échiné et ressort de plusieurs doigts ; le géant est jeté mort sur le sable ; Bugibus et Noiron emportent son âme en enfer, et le Duc, tirant son épée, tranche son énorme tète et la donne en garde au vilain Hervis.

A la vue de leur seigneur étendu sans vie, les Sarrasins tournent en fuite, pour^uivis par Hervis (jui presse contre eux les flancs de son coursier rapide. Il n’est pas de heaume ou de coiffe à l’épreuve de son épée ; l’herbe et les champs lougissent autour de lui, et lui-même, les flancs et la tête de son cheval, le pont d’or fin de son glaive, tout est ensanglanté. La chasse dura plus d’une lieue ; le Duc revient ensuite vers Soissons, oii l’on forme un amas de butin ii riMidie riches tous les gens du pays.

Mais pour refroidir son coursier et laver le sang dont il ost couvert, Hervis descend au bord de la rivière, et voilà