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qu’au milieu des eaux il distingue une croix noire allant d’elle-même, et comme entraînée contre le courant. Elle avait été jetée par les Sarrasins. « Dieu ! » dit le Duc, « c’est un miracle qu’il m’est donné de voir. D’où peut venir cette croix ? Le courant est rapide et l’on ne peut en deviner la profondeur ; mais j’aurais honte de ne pas aller la reprendre. » Il broche donc le cheval et s’avance dans le fleuve. Par un deuxième et plus grand miracle, l’eau ne mouille ni les pieds ni le cou ni les flancs du coursier. Hervis au milieu du fleuve atteint la croix, la pose entre ses bras devant sa poitrine, revient, et la porte au moutier de Saint-Drausin. C’est là qu’elle est encore aujourd’hui, comme ne l’ignorent ni vieillards ni jeunes hommes. C’est devant elle que viennent veiller les pèlerins et ceux qui doivent le lendemain fournir bataille en champ clos.

V - DELIVRAMCE DE TROYES. — LE CRUCIFIX DE SAINT-PIERRE.

Échappés de Paris, de Sens et de Soissons, les Païens et Sarrasins rejoignent comme ils peuvent le gros de leurs compagnons arrêtés devant Troyes. Ils leur racontent comment un diable d’enfer les a presque tous exterminés, et n’a pas craint d’attendre Godin dont il a pris la tête. « Voilà, » disait les Païens, « de bien méchantes nouvelles ! D’un autre côté, Charles Martel, enfermé dans Troyes, apprenait la victoire du duc Hervis et la retraite désordonnée des mécréants ; il en menait grande joie, il en rendait grâces à Dieu et donnait aussitôt le signal de la reprise d’armes. Les batailles étaient disposées, les bannières