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HISTOIRE DU CANADA

eurent à s’occuper des nouvelles adresses du parti anglais et de la nouvelle pétition de l’assemblée et de la minorité du conseil législatif à l’appui des 92 résolutions. Mais les nouveaux ministres ne pouvaient transmettre leurs instructions à lord Aylmer avant l’ouverture des chambres canadiennes en 1835.

La première chose que fit l’assemblée fut de protester contre les remarques faites par le gouverneur en mettant fin à la dernière session, touchant les requêtes qu’elle avait adressées au parlement, et de faire biffer son discours de son procès-verbal. C’était dénoncer les hostilités. M. Morin proposa ensuite que la chambre se formât en comité général pour reprendre la considération de l’état de la province. M. Gugy en s’y opposant observa qu’il préférait un gouvernement d’hommes nés dans le pays, à tout autre. « Pour moi, répliqua M. Papineau, je ne veux pas cela ; j’aime autant celui de mes co-sujets, amis des lois, de la liberté, de la justice, d’hommes qui protègent indistinctement toutes les industries, et veulent accorder à tous les mêmes privilèges ; je les aime, je les estime tous sans distinction d’origine ; mais je n’aime pas ceux, qui, conquérans orgueilleux, viennent nous contester nos droits, nos mœurs et notre religion. S’ils ne sont pas capables de s’amalgamer avec nous, ils devraient demeurer chez eux. Il n’y a pas de différence entre eux et nous ; les mêmes droits et la même protection appartiennent à tous. Assurément je préférerais le gouvernement de gens du pays à celui des hommes dont je viens de parler, et mes compatriotes ont déjà fait preuve de capacité, d’intégrité. Ceux mêmes qui réclament ces privilèges exclusifs les réprouvent dans leur cœur, et ils en seront eux-mêmes les victimes. En supposant qu’ils fissent du Canada une Acadie, et qu’ils chassassent toute la population française, la division se mettrait bientôt parmi eux. S’ils parvenaient à former des bourgs pourris, bientôt même cette représentation corrompue les opprimerait. Il est dans le cœur de tous les hommes de détester les privilèges exclusifs ; mais la haine, la passion, l’esprit de parti les aveuglent… On nous dit : soyons frères. Soyons le : mais vous voulez avoir le pouvoir, les places et les salaires. C’est cette injustice que nous ne pouvons souffrir. Nous demandons des institutions politiques qui conviennent à notre état de société. »