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Page:Garneau - Histoire du Canada depuis sa découverte jusqu'à nos jours, tome IV, 1852.djvu/65

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HISTOIRE DU CANADA.

Les chambres furent convoquées pour le 10 décembre. On avait hâte de voir de quelle manière le gouverneur allait exposer la situation et parler des événemens qui venaient d’avoir lieu. Son discours détrompa tout le monde, et semblait venir d’un homme qui sortait d’un long rêve. Il ne dit pas un mot de ce qui venait de se passer. Il déclara au contraire qu’il n’avait jamais douté de la loyauté et du zèle des différens parlemens qu’il avait convoqués ; qu’il espérait trouver les mêmes principes dans celui-ci et les mêmes dispositions dans ses délibérations ; qu’il le priait de croire qu’il verrait régner l’harmonie avec une grande satisfaction, parce qu’elle ferait le bonheur du pays et qu’il s’empresserait de concourir à toute mesure ayant cette fin pour objet ; que la règle de sa conduite était de maintenir un juste équilibre entre les droits de chaque branche de la législature.

Ce discours parut étrange dans la bouche d’un homme qui prétendait réunir en lui et le sceptre et le ministère, et qui après les actes de violence qu’il venait de commettre, violences nécessaires, disait-on, pour la sûreté du gouvernement contre les attentats d’une rébellion, ne disait pas un mot des dangers que ce gouvernement avait courus ni des mesures qu’il avait été obligé de prendre pour les faire échouer.

Nous concourrons, répondit la chambre, avec le plus grand empressement dans toutes les mesures qui tendront vers la paix, but d’autant plus difficile à atteindre en cette province que ceux qui l’habitent ont des idées, des habitudes et des préjugés difficiles à concilier. Nous voyons avec peine les efforts qui se font pour représenter sous des couleurs fausses et très éloignées de la vérité, les opinions et les sentimens des habitans du pays.

Il est difficile de dire si sir J. Craig s’attendait à une allusion aussi légère aux événemens qui venaient de se passer ; mais il devait croire qu’il en serait fait une si la chambre n’était pas infectée des doctrines révolutionnaires, dont on l’accusait, parcequ’elle était tenue par respect pour elle-même et pour se dégager de tous les soupçons que l’on voulait faire peser sur elle, de repousser les accusations sans cesse renouvelées par ses ennemis. Elle ne devait pas montrer la moindre crainte d’entrer en discussion avec l’exécutif sur ce point ; elle devait rechercher au contraire cette discussion parcequ’elle devait savoir que son silence