Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/116

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

La chasse commencée, le même silence continua de régner parmi notre équipage ; on ne prononçait pas un mot qui ne fût strictement nécessaire à l’exécution des ordres donnés par le capitaine. Dès que nous eûmes établi six voiles de plus que notre adversaire, nous le dépassâmes promptement malgré la supériorité de sa marche.

— Il faut espérer, capitaine, dit M. Dalbarade, que si la Preneuse continue à se comporter aussi bien, elle finira par échapper à l’anglais.

L’Hermite ne répondit à cette observation, faite en guise de question, que par un mouvement de tête exprimant, sinon une négation, du moins un doute complet.

— Je crois que vous vous trompez, monsieur Dalbarade, s’écria vivement l’enseigne Graffin, si l’anglais ne nous rejoint pas c’est qu’il ne trouve probablement pas le moment propice pour engager le combat avec des chances certaines de succès… Mais soyez bien persuadé qu’il nous regarde comme sa proie… Après tout, on a vu des Anglais se tromper ! ajouta M. Graffin en souriant d’un air joyeux.

Une des qualités, ou, pour être plus exact, la qualité essentielle de la Preneuse était celle de bien porter la voile ; aussi le capitaine profita-t-il, autant qu’il put, de cet avantage pour l’en surcharger. Bientôt le navire, couché sur le flanc de bâbord, laboura la mer, de bout en bout de sa longueur, avec ses canons de gaillard. Nos mâts courbés outre mesure menaçaient de se rompre à chaque tangage. Le froissement des agrès, le sifflement aigu du vent à travers les cordages, le grincement d’un grand nombre de pièces de la carène, mises en jeu par l’agitation du navire, enfin le craquement des affûts des canons que l’on s’efforçait