Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/128

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sous toutes voiles, au feu de l’ennemi, c’est exposer, que dis-je, vouer la frégate à un incendie certain, inévitable… Je ne puis me courber devant cette idée… Ce serait lâcheté, ce serait folie !… Êtes-vous de mon avis ?

— Oui, capitaine, s’écria avec enthousiasme l’enseigne Graffin, ce serait lâcheté et folie !

Les autres officiers s’empressèrent d’appuyer de leur approbation l’opinion émise par l’enseigne.

— Merci, messieurs, leur dit l’Hermite, dont la noble figure resplendit de joie, merci, à présent je ne crains plus rien… arrive qui arrive, ma mémoire aura des défenseurs… Oui, plus j’y réfléchis, et plus je suis convaincu qu’au point où en sont les choses, je ne puis ni ne dois agir autrement ! Il faut savoir prendre conseil des circonstances. Les grands succès dépendent souvent des coups d’audace… Osons donc !

L’Hermite fit une légère pause ; probablement après un dernier moment de réflexion suprême :

— Bas le feu ! reprit-il de sa voix vibrante. Les canons de retraite en batterie ! Tout le monde à son poste ! et cargue les perroquets, cargue les basses voiles et hale bas le grand foc et les voiles d’étai !

Dès que le 64 s’aperçut que la Preneuse lui présentait le combat sous les huniers seulement, il s’empressa d’imiter sa manœuvre ; et offrant à nos coups, à vingt-cinq toises au plus de distance, son flanc de tribord, il nous héla d’amener nos couleurs.

— Feu partout ! fut la réponse de l’Hermite, et une ceinture de flamme s’échappa de nos sabords.

Comme l’espérait notre intrépide et habile capitaine, et il avait certes fait tout son possible pour provoquer cet événement, le vaisseau, fier de ses avantages et surpris au dépourvu par la brusque témérité de notre manœuvre,