Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/127

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à-dire la Preneuse tirant en retraite et le vaisseau se rapprochant toujours d’elle, en silence, sans paraître se soucier ou même s’apercevoir des petits accidents que de temps à autre notre feu lui causait.

Deux fois, seulement, le capitaine anglais espérant probablement forcer la frégate à l’attendre, au moyen de la chute de quelques-uns de ses mâts, nous envoya deux nouvelles bordées, qui furent rendues par nous, comme les premières, sans résultat majeur. Enfin, les navires en vinrent à ne plus se trouver qu’à une demi-portée de fusil tout au plus : les servants de nos pièces apercevaient les servants ennemis à travers les sabords.

— Mon Dieu ! s’écria tout à coup l’Hermite lorsque la faible distance qui nous séparait des Anglais eut encore diminué de moitié, auriez-vous entendu mes vœux ? L’événement que j’ai tout fait pour amener se réaliserait-il ? Oh ! non, ce serait trop de bonheur, je n’ose y croire !… Messieurs, continua-t-il en appelant les officiers les plus proches de lui, venez, je vous prie.

Cinq ou six officiers, le lieutenant en pied Dalbarade et l’enseigne Graffin en tête, accoururent aussitôt.

— Messieurs, leur dit l’Hermite, ce n’est pas un conseil que je veux vous demander, car ma résolution est prise ; ce que je désire, c’est que, le cas de ma mort échéant, vous puissiez expliquer ma conduite et ne laissiez pas planer sur ma mémoire un soupçon de désobéissance ou de légèreté. Mes ordres, des ordres précis et formels, m’ordonnent de fuir continuellement devant toute force supérieure, de n’accepter le combat qu’à la dernière extrémité, vous entendez, qu’à la dernière extrémité… c’est-à-dire lorsque j’y serai contraint. Or, en ce moment, nous sommes seulement chassés, et je dois, pour me conformer à mes instructions, fuir encore… Mais fuir en ripostant timidement,