Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/176

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dernier et suprême regard d’adieu à sa pauvre frégate ; mais cette fois aucune émotion ne perçait sur son visage : des yeux ennemis l’observaient.

Je crois devoir rapporter ici, pour ne pas entraver la marche de ce récit, les particularités suivantes, dont je n’eus naturellement connaissance que plus tard :

Lorsque l’Hermite arriva devant les vaisseaux anglais, l’on y savait déjà, par les signaux, qu’il se trouvait dans le cutter et qu’il était blessé ou malade.

À cette nouvelle, l’amiral Pelew (depuis lord Exmouth) fait hisser, en signe d’honneur, le pavillon français à la tête du mât de misaine des deux 74 ; puis, dès que le cutter se trouve le long de son bord, un cartahu descend de la grande vergue et amène aux pieds de l’Hermite un fauteuil artistement gréé. Enlevé doucement par cet appareil, le noble prisonnier se trouve bientôt sur le passavant du vaisseau commandant où l’attendait l’amiral.

L’Hermite s’avance alors péniblement au milieu des officiers du bord, qui tous, le chapeau à la main, sont rangés en haie sur le gaillard d’arrière.

— Capitaine, lui dit sir Édouard Pelew en le saluant, permettez-moi de serrer votre main… la main du plus vaillant homme de guerre, je le déclare hautement, qui à ma connaissance soit au monde.

L’Hermite s’incline et lui présente son épée.

— Je l’accepte, s’écrie noblement l’amiral, comme celle d’un héros, elle ne me quittera jamais…

Puis retirant alors la sienne et l’offrant à l’Hermite :

— Je ne puis, continua-t-il, vous offrir en échange que celle d’un bon et loyal marin… Veuillez, je vous en prie, la conserver en souvenir de l’estime profonde que vous m’inspirez.

L’amiral Pelew,