Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/205

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serviteur blanc fut mis de garde à la porte de sa prison. Dès que je me trouvai seul avec Kernau je m’empressai, comme on le pense, de lui demander de quelle façon il était parvenu à découvrir le coupable de l’abominable empoisonnement de l’Hermite. — Nom de noms ! fallait pas être bien malin pour ça, me répondit-il d’un air modeste. Depuis ma rencontre avec le moricaud dans le champ de cannes à sucre, je ne l’ai pas perdu de vue un instant… Or donc, lorsque tantôt notre brave capitaine est tombé de table, j’ai vu la peau d’ébène, que je guettais du coin de l’œil, se frotter d’abord joyeusement les mains, puis se diriger ensuite tout doucement vers la porte de sortie. Bon, que je me suis dit, t’es trop pressé et t’as l’air trop content de toi, pour que tu ne sois pas au moins un peu coupable… Attends un peu… Et sans perdre de temps j’empoigne alors mon drôle par la gorge et le serrant avec délicatesse : C’est toi qui as empoisonné l’Hermite, que je lui crie à l’oreille, je vais t’assommer !… Là-dessus, voilà le Scipion qui d’abord se trouble et puis finit par me proposer dix piastres, si je consens à garder le silence… Ah ! satané gredin, que je pense, cette dernière canaillerie-là va te valoir un fameux atout !… Attends un peu ! Sur ce je le traîne à la porte du salon, et je cogne… comme t’as vu… Seulement, j’étais tellement vexé, que j’ai pas mis toute l’attention possible pour lui allonger ce coup de poing… Je rageais trop… Et voilà comment ce double gueux vit encore !… Mais assez causé pour le moment… Au revoir, matelot. — Où vas-tu donc ainsi ? demandai-je à Kernau en le voyant se disposer à sortir. — Ah ! quant à ça, ça ne te regarde pas… T’es éduqué plus