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II


Cette réponse, que Kernau prononça avec une profonde conviction, ne réussit pas aussi bien qu’il l’espérait ; car l’officier nous fit passer la nuit au violon. Le lendemain matin, il voulut même nous faire reconduire à la Cayenne par la gendarmerie ; mais, désarmé par mes instances, peut-être bien aussi par ma jeunesse, et par-dessus tout par les excuses que je lui présentai au nom de mon matelot, il consentit à nous laisser en liberté, à condi­tion que nous nous rendions de nous-mêmes tout de suite à bord. Nous acceptâmes cet engagement, et, fidèles observateurs de notre promesse, nous nous dirigeâmes, Kernau et moi, aussitôt après notre déjeuner, vers l’île d’Aix.

Je ne saurais rendre l’impression que me causa la vue de la mer ; c’était la première fois de ma vie que mon regard se perdait dans un horizon sans bornes.

La division en rade se composait des six navires suivants, que Kernau me désigna pendant qu’un canot nous conduisait à bord :

Les frégates la Vertu, capitaine l’Hermite ; la Seine, capitaine Bigot ; la Régénérée, capitaine Willaumez ; la Forte, que montait le contre-amiral de Sercey et que commandait mon cousin Beaulieu-Leloup ; enfin les corvettes la Mutine et la Bonne-Citoyenne.

Il me serait impossible de décrire l’étonnement que j’éprouvai en mettant le pied sur le pont de la Forte. Le spectacle de la réalité qui se présenta à mes regards était si loin de l’idée que je m’étais faite d’un navire, que