Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/20

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paix. Quant à moi, dès le début de l’action, j’avais été saisi à bras-Ie-corps par deux soldats, et je fus contraint d’admirer les exploits du frère la Côte, sans pouvoir lui porter secours. On ne m’en conduisit pas moins avec lui au poste voisin. L’officier de service nous fit bientôt comparaître devant lui pour nous interroger.

— Quel a été le motif de cette rixe ? nous demanda-t-il.

— Mon officier, répondit Kernau en se hâtant de prendre la parole, j’obéissais au capitaine.

— Quoi ! vous prétendez que c’est votre capitaine qui vous a ordonné de troubler la paix publique et d’assommer trois ou quatre soldats ?

— Oui, mon officier, c’est là la vérité vraie…

On voit que Kernau avait devancé son époque.

— Il faut que vous soyez fou ou ivre pour me conter de pareilles sottises…

— Mon officier, je suis, au contraire, presque à jeun, et je possède toute ma raison. Le capitaine m’a dit comme ça en me remettant ce novice — et Kernau en prononçant ces mots me désigna d’un geste plein de dignité —, le capitaine m’a dit : « Kernau, veux-tu prendre ce petit, qui est mon parent, pour ton matelot, et te charger de lui apprendre ton métier ? » « Ça me va, mon capitaine, ai-je répondu » ; et voilà !

— Eh bien ! quel rapport trouvez-vous entre cette proposition de votre capitaine et la scène de violence dont vous venez de vous rendre coupable ?

— Le rapport est bien simple, mon officier, je voulais apprendre à mon matelot comment on doit se distraire à terre ; ça fait partie du métier.