Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/212

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Mon ami, me dit-il en voyant ma joie, il ne faut pas vous réjouir ainsi d’avance. La traversée que nous allons entreprendre n’est pas longue, c’est vrai, mais elle est assez dangereuse, puisqu’il s’agit pour nous d’entrer dans le canal de Mozambique. Après tout, cela doit vous être égal… et à moi aussi ça m’est égal ! La question n’est pas là. Le terrible de la chose, c’est que le climat de Bombetoc vous trousse proprement un vigoureux marin en deux heures de temps ! Là-bas, à ce que l’on prétend, un coup de soleil est plus dangereux encore pour un Européen qu’un coup de fusil… Car on revient quelquefois, souvent même, d’une balle, et jamais d’un coup de soleil !… Autre agrément : ceux qui résistent à la fièvre et à la chaleur ne peuvent pas toujours supporter la rosée malsaine de la nuit, et il y a dix à parier contre un qu’en revenant à l’île de France nous ramènerons avec nous la moitié de notre équipage aveugle… Ah ! mon Dieu, c’est tout comme j’ai l’honneur de vous le dire… On ferme l’œil le soir, histoire de se reposer… et on ne peut plus l’ouvrir le lendemain ! C’est pas long, comme vous le voyez ! Après tout si je vous préviens des petits inconvénients de notre voyage, ne croyez pas que ce soit pour vous détourner de partir… nullement. Vous me plaisez assez, et j’aime autant vous avoir qu’un autre lieutenant… j’aime mieux même, car le capitaine l’Hermite vous estime… et pour être bien dans les papiers du capitaine, il faut le mériter… Et puis vous vous êtes déjà fiché de bonnes peignées avec les Anglais, or il peut se faire, il est même certain que nous serons un peu contrariés par les naturels, et je préfère des gaillards accoutumés aux dangers à des fainéants propres seulement à la manœuvre.