Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/215

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Nous étions tous appuyés sur les bastingages, occupés à regarder ce joli panorama, lorsque nous vîmes une grande pirogue se diriger vers nous.

— Ah ! voici un des gros bonnets de la localité qui vient probablement nous rendre visite, nous dit le capitaine Cousinerie ; il faut le recevoir avec tout notre savoir-vivre et capter son amitié par notre exquise politesse. Mousse, va-t’en chercher une bouteille d’arack.

Le capitaine achevait à peine de prononcer ces paroles lorsque la pirogue accosta le Mathurin ; cette pirogue, montée par une quinzaine de rameurs, nous parut sculptée avec beaucoup d’art.

Deux hommes, qui méritent certes chacun à part une courte description, en sortirent aussitôt et montèrent sur le pont de notre navire.

Le premier, et le moins remarquable des deux, avait de trente-cinq à quarante ans. Cheveux crépus, visage cuivré, taille bien prise et moyenne. Il portait pour tout costume deux pagnes : l’une enveloppait ses reins de plusieurs plis, l’autre se drapait artistement autour de sa tête.

Le reste de son corps présentait une nudité complète, moins toutefois son genou droit, auquel était attachée une espèce de torsade de rideau dont les extrémités soutenant deux espèces de glands en laine retombaient contre les mollets.

Le second personnage était certes la chose la plus curieuse du monde qu’il fût possible d’imaginer ; il représentait le grotesque absolu atteignant jusqu’au sublime. D’une stature démesurément haute, on eût pu se servir de son corps, tant sa maigreur était complète, pour un cours d’anatomie. Au haut de ce corps, qui ne finissait plus, était juchée une petite tête, presque chauve, assez semblable à celle d’un coq.