Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/264

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nous remettre en route ; mais Sa Majesté s’y opposa en nous disant que cela contrarierait sa femme. Quel que fût mon désir d’arriver à Mazangaïe, je dus me rendre à ses instances ; d’autant plus surtout qu’il nous déclara que si nous repoussions sa prière, il ne nous prêterait plus sa pirogue pour traverser la lagune qui nous séparait du port. Or, cette lagune ayant, je l’ai déjà dit, près de cinq lieues et étant bordée de forêts impénétrables et de montagnes escarpées, que l’on juge de notre position si nous nous fussions trouvés abandonnés à nos propres ressources et sans pirogue.

Toutefois, il nous restait encore un grave écueil à éviter, c’est-à-dire la tendresse que la reine semblait éprouver pour nous : je dis pour nous, car la trop sensible amboulame, qui, la première fois, m’avait seul comblé de prévenances, partageait alors ses attentions et ses provocations entre François Poiré et moi.

Je tremblais à chaque instant que son royal époux ne s’aperçût du trouble que nous apportions dans son ménage et qu’il n’en fit retomber la responsabilité sur nous. Heureusement mes craintes furent vaines. Soit qu’il comptât tellement sur la vertu de sa femme qu’un soupçon ne pût lui venir à l’esprit, soit qu’il fût flatté intérieurement de l’émotion que nous causait la vue des charmes de la délicieuse amboulame ; soit enfin, et j’ai de fortes raisons pour m’arrêter à cette dernière supposition, qu’un usage du pays veuille que l’hospitalité atteigne jusqu’à ses dernières limites : toujours est-il que plus la vice-reine nous accablait de prévenances et plus l’amitié de son royal époux augmentait pour nous.

L’interprète Carvalho, en voyant les bienveillantes dispositions du vice-roi à notre égard, vint me supplier, avec des larmes dans les yeux, de ne pas mentionner les incidents