Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/265

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de notre voyage, c’est-à-dire les morsures de serpents et les attaques fabuleuses et extraordinaires de tigres et de caïmans qui un moment avaient entravé, d’une façon si inattendue, notre voyage. J’étais certes porté, surtout en présence de la charmante hospitalité que nous recevions, à l’indulgence ; mais je réfléchis que trop de bonté de ma part aurait pour résultat certain de redoubler l’impudence du Portugais et de lui rendre toutes ses idées de trahison, et je fus inflexible.

J’appris donc au vice-roi, et cela par le moyen de Carvalho lui-même, qui, placé sous le poids de mon regard, n’osait dénaturer par trop le récit qu’il était obligé de traduire, les ennuis que nous avions eus à subir et les sujets de plaintes que m’avait donnés ma suite.

Jamais je n’oublierai la piteuse grimace et la pâleur cadavérique que refléta le visage de l’interprète, lorsque, se tournant vers moi, il me dit :

— Le vice-roi demande, seigneurie, si vous voulez que nous soyons zagayés ou bien que l’on nous livre aux caïmans ?

— Répondez à votre vice-roi que s’il veut bien vous faire administrer à chacun vingt coups de bâtons, cela suffira.

Je ne pus mettre cette fois en doute la loyauté, un peu forcée il est vrai, du Portugais, car le vice-roi, appelant plusieurs de ses gardes le fit saisir tout de suite. Cinq minutes plus tard, un discordant concert de plaintes criardes et de gémissements plaintifs et douloureux me prouvait que le seigneur Carvalho et notre suite recevaient la récompense de la belle conduite. Reconnaissant du service que nous rendait si obligeamment l’excellent vice-roi, je redoublai d’attentions et de prévenances auprès de sa femme : François Poiré fut distancé.