Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/275

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par ses exploits fabuleux et par les désastres qu’il occasionna aux Anglais, une diversion extrêmement favorable à Suffren, le capitaine Maleroux, dis-je, était, ainsi que Deschiens, Le Même, Surcouf et Dutertre, un enfant de la Bretagne.

D’une intrépidité et d’un sang-froid inouïs, excellent marin, d’un esprit vif, déterminé, plein d’à-propos, Maleroux n’était cependant presque jamais heureux dans ses courses ; il pouvait compter chacun de ses combats, et Dieu sait s’ils étaient nombreux, par une grave blessure ; il avait même remarqué que, par une fatalité qui montrait à quel point la chance se tournait toujours contre lui, c’était le dernier coup de feu ou le dernier coup de hache qui l’atteignait. Aussi devait-il à cette idée qu’un mauvais génie s’acharnait à sa destinée, un caractère triste et taciturne. Presque jamais on ne le voyait sourire. Toutefois, malgré sa tristesse, ses préoccupations et ses souffrances, rarement il adressait la parole à un homme de son équipage sans l’appeler son ami ; personne ne se rappelait l’avoir vu se livrer une seule fois à un mouvement d’humeur. C’était la bonté personnifiée, la bienveillance poussée jusqu’à l’abnégation chrétienne.

Son second, le Normand Duverger, présentait avec lui un contraste frappant : autant Maleroux était désintéressé et obligeant, autant ce dernier se montrait rapace, avare et égoïste. Au demeurant, marin capable et intelligent, il occupait à juste titre son grade de second.

Quant à l’équipage de l’Amphitrite, c’était le nom du navire que commandait le capitaine Maleroux, il se composait de cent trente frères la Côte.

Enfin, l’Amphitrite était un petit trois-mâts armé de seize canons. On voit que les éléments de succès ne nous manquaient pas ; et nos parts de prise futures se fussent cotées