Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/276

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à fort bon prix, si la réputation de malheur que possédait Maleroux ne les eût un peu dépréciées.

Ce fut vers la fin de 1799 que nous partîmes de l’île de France. Notre navigation fut assez heureuse en ce sens que nous jouîmes d’un beau temps, car personne parmi nous, excepté toutefois le second, ne savait au juste quelles étaient les intentions du capitaine.

Après avoir atteint les abords de la mer Rouge, nous venions de passer le détroit de Badel-Mandeb, lorsque nos vigies signalèrent un trois-mâts montant vingt-quatre canons en batterie et six sur son gaillard.

Maleroux, qui se trouvait alors sur le pont, saisit avec empressement sa longue-vue et la dirigea aussitôt sur le navire en vue.

— Ma foi, messieurs, nous dit-il après un rapide examen, je crois, Dieu me pardonne, que cette fois la chance se déclare en ma faveur ! Cependant, cela serait si heureux, que je n’ose encore me vanter. Attendons !

Nous forçâmes de voiles, et la distance qui nous séparait du trois-mâts ne tarda pas à se raccourcir. Il était évident que nous le gagnions de vitesse main sur main.

— Ah ! parbleu ! s’écria Maleroux en souriant, ce qui ne lui arrivait jamais, le doute ne m’est plus possible ! Oui, c’est bien lui ! Mes amis, continua-t-il, ce navire que nous chassons renferme dans ses flancs d’innombrables richesses ; il est chargé d’or, d’argent, de pierres précieuses ! Sa capture doit nous rendre tous riches, à jamais ! Une simple part de prise de matelot sera une fortune.

On conçoit l’effet prodigieux, immense, que ces paroles de Maleroux produisirent sur l’équipage : un grand silence