Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/277

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régna sur le pont, et le capitaine, après avoir, tant il lui était difficile de s’habituer à une réussite, examiné de nouveau le trois-mâts, reprit d’un air joyeux :

— Ce navire, mes chers amis, est un navire arabe qui transporte annuellement à la Mecque les riches offrandes des sectaires de Mahomet disséminés sur le territoire de l’Indoustan… Les Anglais, pour se donner de l’importance et du crédit auprès de ces peuples, leur ont conseillé de naviguer sous les couleurs britanniques !… Ce navire, vous le voyez, nous appartient !

Un immense hourra accueillit ces explications du capitaine : notre équipage était fou de joie.

Enfin nous approchâmes le galion, qui en effet arbora le pavillon anglais : son pont est couvert de monde ; il s’empresse de prendre, et nous l’imitons, toutes ses dispositions de combat.

Malgré l’infériorité de nos forces, personne ne songe seulement, à bord de l’Amphitrite, à mettre en doute notre victoire. Ce navire renferme des millions, ce navire doit nous appartenir.

Toutefois, la proie que nous convoitons est si belle, que notre capitaine ne néglige aucune précaution pour l’attaquer avec les meilleures chances possibles de succès : on lui gagne le vent ; mais à peine l’Amphitrite est-elle par son travers, que le navire arabe nous salue d’une bordée générale. Cette décharge, heureusement mal pointée, ne nous causa que de légères avaries.

— Ne tirez pas, mes chers amis, s’écrie Maleroux d’une voix de tonnerre, ne tirez pas ! Fiez-vous à mon expérience ; je connais la tactique des navigateurs arabes des côtes de l’Inde, et je sais quel compte je dois tenir de leur courage… Ne tirez pas encore ! Je veux mettre d’un seul coup ce navire hors de combat !