Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/303

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— Monsieur, dit-il en s’adressant au consul, j’ai peu de temps à perdre, et je vous demanderai la permission de vous rappeler en deux mots le motif qui m’amène près de vous, et que vous devez soupçonner déjà. Voici le fait : j’ai besoin, pour ma prochaine croisière, de renseignements précis sur l’état actuel des côtes de l’Inde ; je viens donc vous prier de remettre au capitaine ici présent, votre compatriote, votre consigne et des lettres d’expédition qui l’autorisent à prendre langue à Batavia, puis de remonter le détroit de Malacca, et coupant le golfe, de l’ouest à l’est, de visiter les ports de la côte de Coromandel, de Ceylan, et d’aller m’attendre à un lieu que je lui indiquerai par l’intermédiaire d’un de mes officiers, lorsque son navire sera à vingt-cinq lieues au nord de cette île… Me comprenez-vous bien ?

— Parfaitement, illustre capitaine ; seulement ce que vous me demandez est impossible. Quoi, vous voudriez que moi, le représentant du Danemark, je m’associe à vos projets contre l’Angleterre, cette généreuse nation qui respecte notre pavillon et lui accorde protection et liberté sur les mers !… Oh ! vous ne pouvez penser sérieusement à cela.

— Très sérieusement, et voici pourquoi : c’est que si votre capitaine accepte, je lui donnerai, en toute propriété, une cargaison qui lui servira à déguiser le but de son voyage d’exploration, et que le jour même de son départ je vous compterai, à vous, monsieur le consul, un agréable pot-de-vin dont nous allons, si vous le voulez, fixer dès ce moment l’importance.

Un court silence suivit cette proposition de mon patron : ce fut le capitaine danois qui, le premier, reprit la conversation :

— Ô gloire de la marine française ! s’écria-t-il en s’adressant