Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/311

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l’égard l’un de l’autre, lorsque le soir même de la prétendue scène de révolte si facilement réprimée par le Provençal Marouf, ils se rencontrèrent tous les deux au Grand-Café.

Le Grand-Café, à l’île de France, était à cette époque le rendez-vous des duellistes, des flâneurs et des corsaires.

— Il paraît, Surcouf, s’écria Dutertre, qui rougit de colère en voyant entrer son rival, que tu viens d’obtenir une place de commis dans les bureaux de la marine. Je te fais mon sincère compliment sur ton nouvel état.

— Merci Dutertre. Reçois aussi toutes mes félicitations pour la nouvelle profession que tu as choisie depuis peu.

— Laquelle, Surcouf ?

— Mais celle, dit-on, de cuisinier et de rôtisseur. On prétend que tu as débuté par un magnifique achat de poules.

À cette réponse, Dutertre s’avança à la rencontre de Surcouf, qui s’empressa d’imiter son mouvement.

Surcouf lui dit, avec un sang-froid qui ne lui était certes pas habituel et qui ne manquait pas de dignité :

— Tous ces propos sont déplacés dans la bouche de deux hommes tels que nous ; ils seraient à peine convenables dans celle des ferrailleurs de ce café ; je t’estime et tu m’estimes ; je te défie de dire le contraire.

— C’est vrai, répondit Dutertre ; mais tu éprouves à mon égard la même envie que je ressens au tien : celle de me tuer.

— Oui, j’en conviens.

— Alors, à demain matin au Champ-de-Mars, au point du jour n’est-ce pas ?

— À demain matin, au point du jour, au Champ-de-Mars, c’est entendu.