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Pour courir ce bord, la Confiance laisse tomber sa misaine, hisse ses perroquets, son grand foc, borde sa brigantine et gagne ainsi de l’avant sur la frégate. Ce prétexte trouvé par Surcouf était un trait de génie.

— Messieurs, nous dit-il en laissant joyeusement éclater toute sa joie, voyez donc comme ces Anglais, que nous sommes réellement coupables de ne pas aimer, sont bons garçons !… Les voilà qui aident nos hommes à monter à bord ! Bon ! Voilà Kerenvragne qui a une attaque de nerfs !… Et Bléas… messieurs ! Bléas qui s’évanouit ! Quels charmants drôles !… Je me ressouviendrai d’eux ! Ils ont joué leurs rôles à ravir ! À présent, voici le moment venu de jeter le masque… Nos amis sont sauvés… et nous aussi… Maintenant, attention à la manœuvre… Toutes les voiles dehors ! Oriente au plus près… bouline partout… Et toi, mousse, apporte-moi un cigare allumé.

La brise du large était alors dans toute sa force. Jamais, non, jamais, la Confiance ne se conduisit plus noblement que dans cette circonstance : on eût dit, à voir sa marche rapide, qu’elle avait la conscience du danger auquel nous étions exposés.

Quant à nous, fiers de monter un pareil navire, nous regardions avec une admiration pleine de reconnaissance l’eau filer le long de son bord, écumante et rapide comme la chute d’un torrent.

Aussi, avant que la sibylle ait deviné notre ruse, qu’elle nous ait tiré sa volée, embarqué ses canots et orienté sur nous, sommes-nous presque déjà hors de la portée de ses canons.

La chasse commença aussitôt et dura jusqu’au soir, mais avec un tel avantage en notre faveur que, quand le soleil disparut, nous n’apercevions déjà presque plus l’en-