Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/343

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Malgré l’heureuse issue de notre stratagème et la façon presque miraculeuse dont nous avions échappé à l’ennemi, Surcouf n’était pas de bonne humeur ; son cœur souffrait d’avoir été obligé de plier devant l’Anglais, et le sacrifice de l’enseigne Bléas et des gens de l’embarcation lui pesait.

Nous cinglions donc le lendemain de notre rencontre avec la Sibylle, ce jour était le 7 août 1800, vers le Gange, lorsque l’on entendit la vigie du mât de misaine crier :

— Oh ! d’en bas ! oh !

— Holà ! répondit le contremaître du gaillard d’avant en dirigeant tout de suite son regard vers les barres du petit perroquet.

— Navire ! crie de nouveau la vigie.

— Où ?

— Sous le vent à nous, par le bossoir de bâbord, quasi sous le soleil !

— Où gouverne-t-il ?… reprit le contremaître.

— Au nord !

— Est-il gros ? Regarde bien avant de répondre.

— Très gros !

— Eh bien, tant mieux ! dirent les hommes de l’équipage. Les parts de prise seront plus fortes.

L’officier de quart, qui, l’œil et l’oreille au guet, écoutait attentivement ce dialogue, se disposait à faire avertir notre capitaine alors retiré dans sa cabine, lorsque Surcouf, l’ennemi juré de toute formalité et de tout décorum, apparut sur le pont. Surcouf, qui voyait, savait et entendait tout ce qui se passait à bord de la Confiance, s’élança,