Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/346

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À dix heures, ses batteries sont parfaitement distinctes ; elles forment deux ceintures de fer parallèles de trente-huit canons ! Vingt-six sont en batterie, douze sur son pont !… C’est à faire frémir les plus braves ! Une demi-lieue nous sépare à peine du vaisseau ennemi.

— Mes amis, nous dit Surcouf, dont le regard étincelle d’audace, ce navire appartient à la Compagnie des Indes, et c’est le ciel qui nous l’envoie pour que nous puissions prendre sur lui une revanche de la chasse que nous a donnée hier la Sibylle ! Ce vaisseau, c’est moi qui vous le dis, et je ne vous ai jamais trompés, ne peut nous échapper !… Bientôt il sera à nous : croyez-en ma parole ! Cependant, comme la certitude du succès ne doit pas nous faire méconnaître la prudence, nous allons commencer d’abord par tâcher de savoir si tous ses canons sont vrais ou faux.

Le brave et rusé Breton fait alors diminuer de voiles pour se placer au vent, par son travers, à portée de 18. À peine cette manœuvre est-elle opérée, qu’un insolent et brutal boulet part du bord de l’ennemi pour assurer ses couleurs anglaises. À cette sommation d’avoir à montrer notre nationalité, un silence profond s’établit sur la Confiance.

— Imbécile ! s’écrie Surcouf en haussant les épaules d’un air de pitié et de mépris.

Apostrophant alors l’ennemi comme s’il eut été un adversaire en chair et en os, notre capitaine se met à débiter, avec un entrain et une verve qui faisaient bouillir d’enthousiasme le sang de l’équipage dans ses veines, un discours, en argot maritime, qui est resté comme le chef d’œuvre du genre.

Surcouf parlait encore, lorsque l’Anglais, irrité de notre lenteur à obéir à ses ordres, nous envoya toute sa bordée.

— À la bonne heure