Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/349

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pour vous à l’île de France ! Les femmes vous accableront tellement d’œillades, d’amour et d’admiration, que vous ne saurez plus à qui répondre… Et quelles bombances ! Ça donne le frisson, rien que d’y penser !

À cette perspective d’un bonheur futur si habilement évoqué, un long murmure s’éleva dans l’équipage. Surcouf reprit :

— Prétendre, mes gars, que nous pouvons lutter avec ce lourdaud-là à coups de canon, c’est ce que je ne ferai pas, car je ne veux pas vous tromper ! Non !… nos pièces de six seraient tout à fait insuffisantes contre ses gros crache-mitraille !… Pas de canonnade donc, car il abuserait de cette bonté de notre part pour nous couler ! Voilà la chose en deux mots : Nous sommes cent trente hommes ici, comme eux sont aussi à peu près cent trente hommes là-bas… Bon ! Or, chacun de vous vaut un peu mieux, je pense, qu’un Anglais ! Vous riez, farceurs… Très bien !… Une fois donc à l’abordage, chacun de vous expédie son English… Rien de plus facile, n’est-ce pas ? D’où il s’ensuivra qu’au bout de cinq minutes il n’y aura plus que nous à bord. Est-ce entendu ?

— Oui, capitaine, s’écrièrent les matelots avec enthousiasme, ça y est ! à l'abordage !…

— Silence donc ! reprit le Breton en apaisant à grands coups de tout ce qui se trouva sous sa main ce tumulte de bon augure. Laissez-moi mettre à profit le temps qui nous reste, avant que nous abordions l’ennemi, pour vous expliquer mes intentions. Une fois que l’on comprend une chose, cette chose va toute seule. Or donc, nous allons rattraper le portefaix en feignant de vouloir le canonner par sa hanche du vent : alors je laisse arriver tout d’un coup, je range la poupe à l’honneur ; puis, revenant tout