Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/356

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grappins, nos vergues amenées presque sur le bastingage du Kent, présentent à nos combattants un pont qui les conduit sur son gaillard d’avant.

— À l’abordage ! s’écrie Surcouf d’une voix qui ressemble à un rugissement et n’a plus rien d’humain.

— À l’abordage ! répète l’équipage avec un ensemble de bon augure et en s’élançant, avec un merveilleux élan, sur le vaisseau ennemi.

— Quant à vous, non-combattants, continue Surcouf, chez qui la prudence et le sang-froid ne s’endorment jamais, quant à vous, non-combattants, ne bougez pas de vos places, et massacrez sans pitié tous ceux qui descendront sur le pont, qu’ils soient Anglais ou Français… peu importe… tuez-les toujours !…

Surcouf vient à peine de donner cet ordre, qui rappelle assez Fernand Cortez brûlant ses vaisseaux, quand une quatrième volée partant du Kent nous assourdit et nous couvre de flamme et de fumée ; la Confiance frémit, à cette secousse, depuis sa carène jusqu’aux sommets de ses mâts ; heureusement elle est si ras sur l’eau, qu’à peine est-elle atteinte.

— À toi, maintenant, Drieux ! s’écrie bientôt Surcouf en s’adressant à son second, qui commande la première escouade d’abordage.

En ce moment, les flancs des deux navires, poussés l’un contre l’autre par la puissante dérive du Kent, se froissent, en grinçant à la lame, avec une telle violence, qu’ils menacent de s’ouvrir ou de se séparer. Notre bonne chance ne nous abandonne pas ! au même moment une des lourdes ancres du vaisseau anglais, qui pend sur sa joue de tribord, s’accroche dans le sabord de chasse de la Confiance, et rompt une partie de ses pavois, qui craquent et se déchirent en lambeaux !