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— Entrez, répondit du dedans une voix assez forte, qui me parut, pourtant, appartenir à une femme.

À cette invitation, Kernau, toujours expéditif et sûr de lui-même, lança un vigoureux coup de pied contre la porte qui, vieille et vermoulue, s’en alla battre, en laissant échapper un nuage de poussière, le pan de mur auquel elle était attachée.

Une vieille femme assise par terre au milieu de la chambre, sur une natte de jonc, la bouche armée d’un colossal cigare et tenant dans ses mains un chapelet énorme, apparut à nos regards.


V

À notre brusque irruption, la femme au chapelet, la señora Encarnación, poussa un cri de frayeur, laissa tomber son cigare et se mit à faire de nombreux signes de croix.

— Voilà une réception plus chrétienne qu’amicale, s’écria Kernau. Ah çà ! la mère, ai-je donc tellement vieilli depuis mon dernier séjour à Cavit, que tu ne me reconnaisses plus ?

— Ah ! c’est toi, fils, dit la Encarnación, qui, remise de sa frayeur, se leva avec précipitation et se jeta avec toute la fougue espagnole, et selon l’usage du pays, dans les bras de mon matelot pour lui donner l’abrayo de rigueur.

Le Breton, peu désireux d’une telle faveur, se recula vivement.

— Assez ! assez ! la mère, ça suffit, dit-il, causons