Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/52

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flanquer des gifles… ah ! mais de fameuses gifles, par exemple… il en garda le lit plus de quinze jours… Et voilà que je le retrouve moine à cette heure ! Hein ! que penses-tu de Cavit ? c’est-y amusant, Dieu du ciel ! y a-t-on de l’agrément, dans cette bonne ville !

S’adressant alors au franciscain, Kernau continua :

— Et dis-moi, seigneur du couteau, lui demanda-t-il, est-ce que tu vas toujours, depuis que tu es entré dans les ordres, chez madame Encarnacion, notre hôtesse ?… tu sais, là où nous avons fait connaissance, et où tu as voulu voir si ma peau était, oui ou non, à l’épreuve d’une piqûre !…

— Toujours, mon frère, répondit le moine en baissant modestement les yeux.

— Eh bien, je m’y rends de ce pas, veux-tu m’y suivre ? nous boirons un grog soigné… C’est pas que je t’estime au moins… Ah ! ça non… mais ça me cause tout de même du plaisir de te revoir… ça me rappelle un tas de drôleries amusantes de ce temps-là… Allons, pas de façons ; je sais que tu ne détestes pas le grog… viens.

Le franciscain, pressé avec tant de politesse, ne put refuser l’offre aimable de mon matelot, et nous nous remîmes en route tous les trois ensemble.

Après cinq minutes de marche, mes deux compagnons s’arrêtèrent devant une espèce de magasin tenant le milieu entre une épicerie et un cabaret : c’était là que demeurait la Encarnacion.

Après avoir traversé la salle d’entrée, où plusieurs matelots et indigènes buvaient assis devant de petites tables, nous montâmes un escalier en pierre, assez sombre et passablement dégradé ; puis, arrivé au premier étage, le moine Perez, qui me sembla très au fait de la localité, y frappa discrètement deux coups.