Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/65

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

se laisser attendrir. Il terminait sa lettre, qui me peina beaucoup, en exprimant le désir et l’espérance que nous navi­guerions encore ensemble.

Pendant plus de six semaines que nous restâmes à Cavit, il fut impossible à notre capitaine M. Bruneau de la Sou­chais d’obtenir le moindre renseignement sur Kernau.

Nous étions alors au mois d’août, époque à laquelle le grand convoi anglais escorté par deux vaisseaux devait partir de Chine pour se rendre en Europe.

Le capitaine l’Hermite proposa à l’amiral espagnol qui se trouvait alors avec sa division dans la rade de Manille, d’aller l’attendre au passage pour le capturer. Après des lenteurs infinies et des pourparlers inexplicables de la part de l’amiral espagnol, il fut convenu que l’expédition aurait lieu.

Cette nouvelle, qui ne tarda pas à se répandre, causa aux équipages une joie qui tenait du délire, et éveilla un enthousiasme inexprimable.

En effet, il y avait bien de quoi : car l’État ne payant pas à cette époque avec une parfaite régularité, ou, pour être plus véridique, ne payant jamais la somme due aux équipages, nous nous trouvions dans une grande pénurie d’argent ; pénurie pénible, certes, mais surtout humiliante, en ce qu’elle contraignait sans cesse à baisser pavillon et à nous éclipser devant la prodigalité et la richesse des corsaires.

Aussi, je le répète, à l’idée de s’emparer du riche convoi allant de Chine en Europe, nos hommes ne se possédaient pas de joie.

Enfin, après de nouvelles lenteurs que l’impatience et l’activité de notre intrépide chef, le capitaine l’Hermite, qui ne rêvait que combats et gloire, ne purent nous éviter, la division espagnole-française prit enfin la mer.