Page:Garneray - Voyages (Lebègue 1851).djvu/70

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trouvai rien de mieux à répondre à M. Bruneau de la Souchais que cette phrase-ci :

— C’est moi, capitaine, qui ai commis ce dessin.

— Ah ! c’est vous, monsieur, fort bien. Allez me chercher le capitaine d’armes et revenez avec lui ici.

Cette mission n’avait rien d’agréable, j’en conviens, mais il n’y avait pas à hésiter ; il me fallut obéir.

Les gens de l’équipage, intéressés par cette scène qui devait naturellement se terminer pour moi par une punition exemplaire, c’est-à-dire par un spectacle pour eux, me regardaient, la plupart avec curiosité, quelques-uns même, les jaloux de mes gribouillages, avec une maligne et méchante joie. Que l’on juge de ma stupéfaction lorsque j’aperçus, en me retournant, accompagné du capitaine d’armes, M. Bruneau de la Souchais accroupi devant une cage à poules et occupé à examiner mes dessins, tracés non plus cette fois à la plume, mais, hélas ! circonstance aggravante, avec la pointe de mon couteau. Je sentis en ce moment seulement toute l’étendue de mon crime, et je me vis destiné au moins au supplice de la cale mouillée.

Les quelques secondes que je restai planté droit et immobile devant le capitaine toujours occupé à examiner mes malheureux essais de gravure sur bois, me parurent bien longues ; quant au lieutenant en pied, M. Frélot, que je regardais de temps en temps à la dérobée, un sourire doucereux qui s’épanouissait sur ses lèvres augmentait encore ma frayeur… Enfin M. Bruneau de la Souchais se releva, me lança un regard sévère, puis s’adressant au capitaine d’armes :

— Vous ferez retrancher la ration de vin de cet homme jusqu’à nouvel ordre, lui dit-il en me désignant.

Ces paroles me causèrent une joie intérieure indicible,