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la tour de cordouan.

grande préoccupation est de se mettre à la mode du jour, et de fréquenter des jeunes gens déjà sortis du collège.

Paul, qui allait avoir seize ans, possédait beaucoup de ces défauts, qui disparaissaient complétement, il faut le dire, dès qu’il était dans la compagnie des deux vieux marins. Là, c’était toujours l’enfant gâté, et ce n’était qu’un enfant.

Le petit, comme l’appelait toujours Clinfoc, était grand, bien fait, un peu fluet, mais solidement charpenté. Sa figure pâle, sa chevelure blonde et bouclée lui donnaient un air efféminé et souffrant qui seyaient bien à sa nature douce et mélancolique. Pourtant il avait un caractère ferme ; très-chatouilleux sur tout ce qui touchait à son amour-propre, il ne se laissait pas marcher sur le pied, recommandation spéciale de Clinfoc, son premier maître en l’art « de se conduire en société. » Il était bon mais vindicatif, docile mais entêté, travailleur à ses heures mais rêveur par excellence. Il n’aimait pas à contredire mais ne souffrait pas qu’on le contredît. Plein de respect pour tout ce qui lui était supérieur, il était très-réservé avec ceux qu’il sentait ses égaux ou croyait ses inférieurs. Avec ces défauts et ces qualités, il ne pouvait qu’être soldat ou marin. Il avait choisi la marine en souvenir de son père et pour faire plaisir à son oncle dont l’ambition était de voir son neveu monter sur le Borda, et tenir, dans la marine de guerre, le rang qu’y avait tenu le capitaine Paul de Valgenceuse.

Tel était en quelques lignes le portrait du jeune homme qui venait pendant ses vacances distraire les deux vieillards.

Les premiers jours que Paul passa à Saint-Georges ne furent marqués par aucun incident. Il ne sortit que très-peu, et ne s’occupa qu’à se laisser dorloter par son oncle et Clinfoc qui chacun de leur côté, chacun à leur tour, cherchaient à se l’accaparer.

C’est que le capitaine et son matelot étaient brouillés depuis l’arrivée de Paul. Voici pourquoi :