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six semaines dans un phare.

On se rappelle la conversation des deux marins avant l’arrivée de leur neveu ; chacun d’eux cherchait les moyens d’amuser pendant ses vacances leur jeune hôte. Or la première chose qu’avait fait le capitaine en arrivant à Paris, avait été de demander à Paul ce qu’il voulait pour sa récompense. Paul avait répondu : « un Lefaucheux » Et le capitaine s’était empressé de lui faire cadeau d’un fort beau fusil de chasse à deux coups, acheté chez Lefaucheux. Après le cigare, le fusil est le rêve du collégien : les moustaches elles-mêmes ne viennent qu’après.

Le jeune homme, de retour à Saint-Georges, n’avait eu qu’une seule préoccupation, celle de se servir de son Lefaucheux, et le capitaine lui avait acheté un port d’armes.

Clinfoc était furieux. Ce fusil dérangeait tous ses plans et puis le capitaine n’avait pas le droit de faire à son neveu un cadeau, sans que lui, Clinfoc, en fût prévenu. C’était contre toutes les règles. D’ailleurs, le capitaine n’avait-il pas dit lui-même qu’on attendrait le retour du petit pour savoir le genre de distractions qu’on lui fournirait ?

De là vinrent des disputes qui aboutirent à une grosse bouderie. Paul se chargea de les rapatrier. Un beau matin, il prit Clinfoc à part et lui dit :

— Tu sais que mon oncle m’a acheté un Lefaucheux ?

— Un beau cadeau pour un marin !

— Eh bien, il ne veut pas que je m’en serve parce que ça te fait de la peine.

— Ah ! il a bien tort.

— Demande-lui pour moi la permission. Venant de ta part, il n’osera pas la refuser.

— Et où t’en serviras-tu ?

— Partout, sur les côtes, en mer, à la tour de Cordouan, où je tuerai des mouettes.

— Justement, c’est là que je voulais te conduire.