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antenolle.

qu’il est évacué par les nègres, ce qui fait que le plancher peut sécher la nuit. Les noirs séjournent dans le faux pont depuis le coucher du soleil jusqu’à son lever, les écoutilles toujours ouvertes. À partir de l’âge de vingt ans et au-dessus, ils sont accouplés deux à deux et mis aux fers. Une petite barre rivée à ses deux extrémités et garnie d’anneaux coulants sert à attacher leurs pieds : on en exempte ceux dont la conduite et les paroles ne respirent ni la vengeance ni la révolte.

Les négresses et les enfants occupent la grande chambre entre les cabines de l’état-major. Du reste chacun des esclaves occupe, pendant la nuit et durant toute la traversée, la même place. Le jour, on change leurs places quand ils sont sur le pont.

Tous les matins, une demi-heure après le lever du soleil, on les fait monter sur le pont quatre par quatre. Là, ils font leur toilette, c’est-à-dire qu’ils se lavent la figure et les mains dans un grand baquet rempli d’eau de mer et se rincent la bouche avec du vinaigre pour éviter le scorbut. Puis, ils prennent leurs places pour la journée.

À dix heures, on leur sert le premier repas, six onces de riz, de millet ou de farine de maïs cuits à l’eau, auxquels on ajoute du sel, du sucre, de la viande ou du poisson salé, mais en très-petite quantité ; chaque gamelle est pour six personnes.

Dès que l’heure du repas est sonnée, les nègres qui, les yeux fixés sur le guichet de la rambade par où sont introduits les vivres, attendent en silence qu’on satisfasse leur gloutonnerie, font entendre un murmure joyeux. Aussitôt quelques hommes de l’équipage aidés par les petits nègres se rangent de l’avant à l’arrière pour faire parvenir les gamelles jusqu’aux places les plus reculées. Sans cette précaution pas une n’arriverait intacte à destination. Il faut voir comme c’est vite expédié !…

Un coup de balai sur le pont suit le repas et, tout étant remis en place, on leur distribue les travaux de la journée, car le